Courant 2014, la compagnie Kat’chaça (avec laquelle j’ai été en résidence en février au Creusot), crée « Cabines », projet questionnant les frontières. Mêlant danse et arts numériques, la création se base sur les témoignages des habitants des territoires qui accueillent le projet. Je remercie Natacha Paquignon, chorégraphe de la compagnie, à qui j’ai confié un court texte qu’elle a choisi d’intégrer à la pièce. Explication en vidéo :
CABINES from Pas sage d’images on Vimeo.
En 2010, j’écris le texte en question :
Je sens ma langue me quitter. Elle part au son des années, au son de l’accent. J’enfile son plus beau costume mais les manches sont trop courtes. Je sens ma langue me quitter car ma langue se voit refuser l’accès à l’espace public. La Nation a déjà sa langue voyez-vous ; on n’a pas besoin de la vôtre ; et puis tous nos documents administratifs sont déjà imprimés alors.
J’avais des chansons de petit garçon qui racontaient des histoires d’araignée qui grimpait le long d’un fil. Il y avait ce bébé mouton qui chantait une comptine. Et l’écureuil qui était posé tranquille en haut de son sapin. Il n’avait rien demandé à personne. Il était dans l’Europe t’as vu. Juste tranquille là pépère sur son squat et là d’un coup son identité d’écureuil a été remise en cause. C’est bien de langue dont il s’agit. Pourtant je suis square autant que lui cravate, rébus autant que lui élu, parti autant que lui demeuré, conteur autant que d’autres cons.
j’oublie / me répands / j’oublie
à force de me faire passer dessus par les trains
à force de chiquer l’horizon
à force de passer ma langue sur les gencives j’oublie ma langue
à force je me banalise paraît-il
Alors je m’invente 1 nouvelle langue, 1 langue étrangèrement materno-personelle à coup de « DAMN ! » de bégaiement, de lapsus, de didascalies dyslexiques, afin que l’on me remarque, que l’on me surveille et quoi d’autre encore ? Étrange. J’oublie peu à peu ma langue (Ad lib.). Surtout ne m’aidez pas mais prêtez-y quand même attention au cas où. Ça pourrait péter là-dedans. Ça pourrait être vu à la télé. Il s’y passe des choses derrière le périph’ de ma peau.
Actualité de la compagnie Kat’chaça : la création partagée. Plus d’info ici.