« Maison. Poésies domestiques » dans CCP (cahier critique de poésie)

Comme on dit, jamais deux sans trois.
Voici une troisième critique consacrée à la réédition revue et augmentée de Maison. Poésies domestiques (éd. la Boucherie littéraire) publiée la semaine dernière dans la revue CCP (cahier critique de poésie). Celle-ci s’attache au sujet phare du recueil, à savoir la filiation et la transmission. L’auteur de l’article, Bertrand Verdier, cite la phrase, selon moi, la plus importante du recueil « Retenez que l’on peut choisir d’où l’on vient. »
Véritable inspecteur des travaux finis ou fouilleur des internets, l’auteur ouvre l’article sur un extrait de texte du spectacle Light Spirit de la compagnie des Lumas dont j’ai écrit certains passages.

Article à retrouver ici sur le site de CCP.

 

« pendant toute cette nuit, ses paroles et ses actions
avaient eu constamment le plus sublime caractère »
Germaine de Staël : Delphine

passionnément aimante je
t’aime1 je t’aime passionnément
je t’ai je t’aime passionné né
Ghérasim Luca : Passionnément

Je t’ai
Je t’aime
Je t’aime plus
Je te l’aime plus
Emanuel Campo : Light Spirit

S’appesantir sur l’étymologie indo-européenne de *domus, confirmerait que ces « poésies domestiques » puissent signifier vers la nécessaire liberté de choix de filiation, par-delà engendrements et transmissions. Le poème inaugural, autopsie, que concluent les vers : « Rien de rien. // Votre fils est moyen » (p. 9), forme en effet symétrie avec le texte conclusif, Vous venez d’avoir trois ans, où l’autopsié, devenu père, prône à sa progéniture : « Retenez que l’on peut choisir d’où l’on vient » (p. 60). Maison de fait constitue un récit2 d’apprentissage, du fils moyen au dominus qui se reconnaît à ses enfants : « un jour j’accepterai que nous n’ayons pas les mêmes ancêtres. / Vous aurez les vôtres à choisir, à renier, à construire » (p. 60).
Ouvrir donc le choix d’où venir.3 Le pas seulement humoristique poème : – Ce sont de vrais jumeaux ?, s’en porte notablement garant en la réponse : « Juste un, l’autre est en résine. Mais les deux sont de la même mère » (p. 48). Cette liberté se nécessite aussi d’antithétiques parents niant un fils devenue femme : « Y a-t-il des parents à ce stade de la pensée / ils ont annulé l’enfant » (p. 53) ; s’ensuit entre le poète et « [s]a meuf », quant à leurs enfants,

« une discussion télépathique.
Tu me dis
j’espère que nous aurons suffisamment de vie
en nous pour accepter leurs choix.
 » (p. 54)

« Suffisamment de vie », c’est-à-dire : ensemble ce qui a lieu dans une « revue de poésie » :

« Je compte lancer une revue
avec dedans avec dedans
un poème de poésie
et de la vie et de la vie » (p. 25)

et ce qu’élabore le domestique vo(ca)tif :

« Ton ventre
respire. Un massage
pour les yeux.

J’ai toute la vie devant toi » (p. 32)

« toi »/« tu », 18 contre-rejets (sur les 73 vers d’Hier soir – p. 37-39) – et un Spasfon – en contresignent la bioticité. La poésie de Maison ainsi s’abreuve a contrario du constat :

« Sans création il y a […]
de la rhétorique plutôt que des mots d’amour
des discours plutôt qu’une histoire. » (p. 55)

Liberté ainsi offerte à chacun.e de venir d’une nuit entre Waldeck-Frankenberg et Villers-Bocage…

Bertrand Verdier

 

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