Décidément,
deuxième critique de la semaine (!!!) de mon recueil Maison. Poésies domestiques aux éditions la Boucherie littéraire. Un article à lire ici sur un site que je ne connaissais pas : lelitteraire.com. Merci à l’auteur de se faire l’agent immobilier de ce livre.
Du bio au billot et vice versa
Il n’est pas étonnant que les Éditions de la Boucherie publient un tel livre. Et plus précisément dans sa collection « Sur le billot » : le texte tranche. Venu ou issu du froid (ce que son nom ne laisse pas prévoir), l’auteur est franco-suédois et multi-fonctions : il écrit mais est aussi homme de scène. Son livre le prouve : l’auteur, pour jouer dans des vagues de sens et de temps, use de la mise en forme comme métaphore de mise en scène : police et grain de caractère, listes et motifs récurrents. Le poète y transparaît. Père, il est aussi enfant de son enfance. Celle où il se battait avec des mots. A l’époque, un « paradoxe allemand » était un supplice chinois. Et chacun a connu de tels troubles de la conscience plus que du comportement.
Désormais, il a décidé de faire le tri dans son langage. Il ne choisit que les mots dont il connaît la prononciation et la signification. Ce qui n’est pas toujours le cas des poètes – mais ils ne sont pas les seuls : les critiques eux aussi s’emmêlent les pinceaux.Campo use aussi et surtout de l’humour — ce qui est mal vu chez les deux groupes nommés ci-dessus. L’auteur est du genre à se « perdre dans les trains » et n’aime pas les rails – deux raisons d’en vouloir à la SNCF même en dehors des jours de grève. Mais l’auteur a d’autres buts dans la vie que s’intéresser aux horaires et horreurs ferroviaires. Il apprend à sortir des tunnels du sens dans une saccade plus de boogie-woogie que bogies (on sait dans l’Ile de France ce qu’elles valent). En un tel mouvement sonore, ce carnet et corner d’accords de chasse et de désaccords propose en séquences une suite d’échos, reprises, trous qui creusent la langue.
La trame est sans véritable chronologie ; se saisissent des moments et impasses. Celles-ci possèdent des angles saillants et d’infimes détails qui sondent la pensée ou le peu qu’elle est en dépit des efforts de tous les cartésiens qui décartonnent.Mais l’équilibre du vivant est là. De guingois entre ce qui fut et qui n’est pas encore. C’est sans doute ce qui s’appelle le présent. Il y est — en résumé — question de tout et du reste entre gravité et humour. Et lorsqu’un olibrius tourne en rond avec un lion à ses basques, l’auteur nous rassure : le quidam ne craint rien car il a deux tours d’avance sur l’animal.
Jean-Paul Gavard-Perret