Parution revue Bacchanales

Parution de la revue Bacchanales n°53 « Travail », novembre 2015. J’y publie un poème intitulé « le métier ».

Extrait :

le métier dans la culture est libéral
le métier l’est tellement
le métier ne peut pas payer tout le monde
le métier s’arrange avec ceux qui ne sont pas encore totalement du métier
le métier s’arrange avec ceux qui ne le comprennent pas totalement
le métier s’accroche et sert fort

Emanuel Campo

 

59 poètes : Antoine Emaz, Thomas Suel, Claire Rengade, Ghislaine Le Dizès, Titos Patrikios (Grèce), Yvon Le Men, André Bucher, Michel Étiévent, Gérard Mordillat, Emmanuelle Pagano, Lucien Suel, Hervé Bougel, Grégoire Damon, Maryse Vuillermet, Isabelle Damotte, Mary-Laure Zoss (Suisse), Carlos Laforêt, Fabienne Swiatly, Jane Sautière, Patricia Cottron-Daubigné, Ricardo Montserrat, Gilbert Vincent-Caboud, Michel Baglin, Dominique Massaut, Marie-Hélène Lafon, Ahmed Kalouaz, Jean-Paul Bota, Reza Afchar Naderi, Natyot, Thomas Vinau, Bernard Deglet, Pauline Catherinot, Lucas Ottin, Frédérick Houdaer, Jean-Marc Undriener, Roger Dextre, Patrick Quillier, Frédéric Forte, Sylvain Thévoz (Suisse), Yves Jouan, Armand Le Poête, Marie Ginet, Dominique Sorrente, Karim Demnatt, Philip Levine (États-Unis), Michaël Glück, Emanuel Campo, Jean-Luc Pouliquen, Roman Osminkine (Russie), Maria Stepanova (Russie), Laurent Grisel, Marlène Tissot, Mohamed Mahiout (Algérie), Ales Steger (Slovénie), Barbara Pogacnik (Slovénie), Gorazd Kocijancic (Slovénie), Alain Chanéac, Sylvie Brès, Roberto Fernández Retamar (Cuba).
Accompagné d’œuvres inédites de l’artiste Dany Jung.

228 pages. Prix : 20 € – Renseignements et commande ici.

Ne pas céder ne pas céder ne pas céder

Selon les statistiques j’ai toujours plus de chance
de me faire tuer par un proche
de battre ma copine à mort
ou même de mourir heurté par une noix de coco ayant chu
que de me faire exécuter dans une vidéo relayée par les médias.

Je n’oublie pas
les statistiques
je n’oublie pas
que je passe
suivant la rotation GALACTIQUE
de l’état solide
à l’état gazeux
pour revenir
à l’état solide

et me rappeler que j’ai toujours plus de chance
de tuer un proche
de mourir sous les coups de ma copine
de me réincarner en une noix de coco qui heurterai une tête
que d’exécuter aveuglement des inconnus dans une vidéo relayée par les médias.

Ne pas céder ne pas céder ne pas céder.

Aimé Césaire « nouvelle bonté »

nouvelle bonté Wifredo Lam collection privée © ADAGP, Paris 2011 / © collection privée

 

il n’est pas question de livrer le monde aux assassins
d’aube

la vie-mort
la mort-vie

les souffleteurs de crépuscule
les routes pendent à leur cou d’écorcheurs
comme des chaussures trop neuves
il ne peut s’agir de déroute
seuls les panneaux ont été de nuit escamotés
pour le reste
des chevaux qui n’ont laissé sur le sol
que leurs empreintes furieuses
des mufles braqués de sang lapé
le dégainement des couteaux de justice
et des cornes inspirées
des oiseaux vampires tout bec allumé
se jouant des apparences
mais aussi des seins qui allaitent des rivières
et les calebasses douces au creux des mains d’offrande

une nouvelle bonté ne cesse de croître à l’horizon

_ _

Poème écrit à partir du tableau nouvelle bonté de Wifredo Lam, extrait de Moi, laminaire…

Ce samedi 7/11, lecture à Pontcharra (38)

Ce samedi 7 novembre, je donne une lecture à la médiathèque Jean Pellerin à Pontcharra (38). Entrée libre, 14h30, 45min, en périphérie du festival Gratte-Monde de la Maison de la poésie Rhône-Alpes. Je lirai mes textes ainsi que certains poèmes du nouveau numéro de la revue Bacchanales sur le thème du « Travail ».

Programme complet en téléchargement ici.

Texte « On est là »

Texte écrit dans le cadre du chantier public d’écriture de « On est là » et publié ici.

Je cherche l’équilibre
entre 4 murs
dans le temps
entre les affronts du jour et les rayons
les rires et les soupirs
la vaisselle à faire et la vaisselle à ranger
les appels reçus et ceux à donner

l’équilibre
tiré
tendu
frémissant à peine
entre deux
instants

fil tendu entre deux pics
fil de bave entre les lèvres des amants
c’est de l’alpinisme tout ça
de l’alpinisme de rez-de-chaussée

on frôle le gazon
on frétille dans les sillons du goudron
ça chatouille ou ça emmerde
c’est toi qui voit
l’équilibre nécessite un choix
l’équilibre c’est faire le choix de tenir.

Mon fils en faisant ses premiers pas
a choisi de tenir
première victoire
il a senti qu’il y avait un enjeu

ça va de soi
ça retombe sur ses pattes

les vies ont sept chats

et mon fils, lui, a deux jambons
sur lesquels il s’initie peu à peu
à la présence.
E.C.

J’ai des amis formidables : Julie B

J’ai des amis formidables. Il y a longtemps que je voulais faire une note sur Julie B, artiste peintre et dessinatrice. Je vous laisse découvrir cette sélection d’œuvres et poursuivre votre visite sur ses blogs

http://juliebforeverwar.tumblr.com/
http://laguerreeternelle.tumblr.com/

Sans oublier sa reprise de la chanson d’Etienne Daho « Tombée pour la France »

accompagnée par Fox and the grapes

Pour une débénabarisation du quotidien #264-280

Suite du feuilleton « Pour une débénabarisation du quotidien ». L’été et la rentrée sont passés par là avec leurs lots de trucs à faire, à penser, à ne pas faire et à oublier.  L’épisode précédent écrit par Grégoire Damon date de juillet et vous pouvez le lire ici.

264) Attendu que la Méditerranée n’en a rien à foutre de nos guerres et qu’elle a d’abord à gérer la montée des eaux ;

265) Attendu que les itinéraires vers les nappes d’eau souterraines ont été bouchés par des permis de construire ; qu’un soir de précipitations t’auras plus de chance d’avoir dans ton salon un rapport franc avec une vague de trois mètres qu’avec un membre de ta famille ;

266) Attendu que selon la dernière étude émise par l’I.U.A.C. (Institut pour Une Anxiété Collective) l’excès de viande rouge et de charcuterie augmenterait l’opportunité de contracter un cancer ;

267) Attendu que la poussée actuelle des populismes en Europe ne répondrait pas uniquement à des raisons économiques ;

268) Attendu que mon cul ;

269) Attendu que mon visage, ma bouche, mon dos et mes poils ;

270) Attendu que, les élections régionales s’approchant, les feuilles des arbres de ma rue jaunissent, meurent et tombent ;

271) Attendu que c’est l’époque des vestes mi-saison ; qu’on ne sait pas s’il fait chaud ou froid, si les corps veulent se dévêtir ou bien suggérer ;

272) Attendu que tout un été nous est passé dessus ;

273) Attendu que le passage à l’heure d’hiver m’affecte bien qu’il me permette de me réveiller avec l’aube ;

274) Attendu que des travaux ont actuellement lieu dans les cavités de mon bâtiment ;

275) Attendu que je constate que vieillir consiste à s’alourdir alors que les poètes me promettaient que j’allais m’alléger en prenant de l’âge ;

276) Attendu que les séries m’emmerdent ; que je ne veux pas me distraire ; que rester collé à un écran autre que celui de mon traitement de texte me fait culpabiliser ;

277) Attendu que mon prétendu talent de gribouilleur ne m’a pas encore prouvé sa loyauté ;

278) Attendu que je n’ai moi-même rien réussi à prouver pour ma défense ;

279) Par ces motifs

280) Le ciel gris de ce soir casse et annule mon impression d’avoir passé une bonne journée et conseille justement de réitérer ce que nous avons fait hier matin durant neuf minutes.

Etudiant

À la faculté

à l’entrée de l’amphi

sur la porte un écriteau

« Prière de fermer la porte »

je m’agenouillais systématiquement

les paumes tournées vers le faux plafond

et priais la porte de bien vouloir se fermer.

_ _

E.C.

Jean-Pierre Georges – « Je m’ennuie sur Terre »

Je surfe sur la vague Jean-Pierre Georges qui sévit depuis quelques temps sur la blogosphère de mes colocataires. D’abord, quelques articles du poète Frédérick Houdaer, qui m’a fait découvrir Jean-Pierre Georges devant un stand Gros Textes en juillet dernier, puis plus récemment un poème de Thomas Vinau où il  évoque le Monsieur.

A mon tour de mettre en lumière deux vers tirés de son livre Je m’ennuie sur Terre, édité par le Dé Bleu en 1996, véritable révélation pour le jeune lecteur que je suis.

« Pourquoi j’écris parce que je ne
connais pas mon bonheur »

Chantier public d’écriture de « On est là » par Paul Wamo & Emanuel Campo

Photo : Léna Quillier.
Photo : Léna Quillier.

Paul Wamo et moi vous invitons à nous suivre dans le processus d’écriture de notre création « On est là », lecture-spectacle de poésie qui se jouera le samedi 12 décembre 2015 au centre culturel le C2 à Torcy (71).

Pendant plus de deux mois, nous échangeront nos écrits sur cette page facebook. Soyez témoins de notre travail de création et participez à l’élaboration d’une poésie de la rencontre.

Informations sur « On est là » :
« On est là » réunit Paul Wamo, poète kanak venant de Nouvelle-Calédonie et Emanuel Campo, poète résidant à Lyon. Deux artistes performers venant de lieux diamétralement opposés, mais appartenant à la même génération, partageant la même langue et créant dans les mêmes domaines artistiques, à savoir l’écriture, la musique et la scène.
A les entendre sur scène justement, on ne sait plus qui est le franco-suédois, qui est le kanak. Ce n’est pas important. On est là. Ni plus, ni moins. Ça chante, Ça scande, Ça pousse des bruits, Ça bouge, Ça discute avec le public et c’est toujours en mouvement. Une poésie sonore du « ici et maintenant » qui tend vers l’action. « On est là » mêlera poèmes écrits à deux et textes provenant de leur correspondance.
Réunis une première fois dans le cadre d’une résidence en décembre 2014 sous l’initiative du centre culturel le C2 (Torcy, 71), la bibliothèque départementale de Saône-et-Loire et la Maison de la Nouvelle-Calédonie à Paris, Paul Wamo et Emanuel Campo ont décidé de poursuivre le travail amorcé l’an passé.
Écriture, conception et jeu : Paul Wamo et Emanuel Campo.
Regard extérieur lors de la résidence : Florent Fichot.
Coproductions : Compagnie Étrange Playground (Lyon) et centre culturel le C2 – Mairie de Torcy.
Résidence du 7 au 12 décembre 2015 au centre culturel le C2 à Torcy (71).
Site de Paul Wamo : http://www.paul-wamo.com/
Site d’Emanuel Campo : http://www.ecampo.fr/
Contacts :
Diffusion « On est là » : Léna Quillier – 06 01 31 60 95
Artistique et production : Compagnie Étrange Playground – etrangeplayground [@] gmail.com
Compagnie Étrange Playground
5 rue du Plâtre
69001 Lyon
06 76 02 92 58

Parution : Perrin Langda & Compagnie

Illustration d'Eric Demelis
Illustration d’Eric Demelis

 Perrin Langda est un poète de mon âge que j’estime beaucoup. Ma rencontre avec sa poésie s’est faîte sur le net et par le biais de revues dans lesquelles nous nous retrouvons régulièrement au sommaire.

Voici donc que sort aujourd’hui le recueil collectif Perrin Langda & Compagnie préparé par lui-même et mgv2>publishing. Perrin y invite Brice Haziza, Christophe Bregaint, Stéphane Poirier, Mike Kasprzak, Heptanes Fraxion, Morgan Riet, moi-même et Thierry Roquet, avec qui j’ai partagé de bonnes barres de rire (et de dire) lors du dernier festival Poésie Nomade en Lubéron.

Merci à toi, Perrin, de nous avoir invité à participer à cet ouvrage. J’y publie pour ma part trois textes inédits. Je vous invite à le commander. C’est pas cher. Et ça casse la baraque. Et vous faites vivre de belles initiatives éditoriales.

 

5€ + 4€ de port
64 pages au format 14,8 x 21 cm
ISBN : 978-1-326-43226-3
Vous pouvez le commander directement sur Lulu.com

PapierBruit – Des envies sous-marines

Je suis content de partager aujourd’hui avec vous un des titres de mon groupe PapierBruit. Et oui, il n’y a pas que la poésie dans ma vie. J’ai composé l’instru sur ma MPC avec des vinyles que j’avais à la maison, Mamoot a rajouté ses arrangements, puis Eskimo J et moi avons posé le texte. Bonne écoute. Je posterai bientôt un autre titre sur ce blog. Pour suivre notre actualité nous avons un site avec tous les réseaux sociaux qui vont avec. Merci à celles et à ceux qui soutiennent le projet en partageant notre musique.

notes de la matinée (paroles, travail, téléphone)

il faut des paroles mortes pour arriver à un résultat
savoir organiser ses troupes aligner les mots soldats
et choisir les syllabes qui serviront de chairs à canon

 

afin que les paroles à l’arrière percent les flancs adverses
contournent les obstacles ou bien se fassent des amis
ailleurs

 

parler relève une fois du colonialisme
une autre de la création du monde
tout dépend de l’humeur et du contexte

 

des jours comme aujourd’hui je pense que la vie même
réside dans l’humeur et le contexte
comme des pinces à linges qui nous maintiendraient sur la corde

 

certains se plaignent des relations superficielles
dans leur travail mais les entretiennent
pour créer un contrepoids de bien-être lors des repas entre amis

 

ou nourrir des cas d’écoles et avoir de quoi argumenter
ils ne veulent pas du travail dans leur vraie vie
alors se montent une barricade tous les matins sur le trajet

 

sortent de leur vie en fermant la porte à clef
entrent dans leur travail sans même s’essuyer les pieds
puis le soir reviennent chez eux mais ne retrouvent pas

 

les aiguilles de l’horloge à la même place
ils devraient peut-être

 

 

laisser entrer leur vie dans le travail et ne plus avoir peur
des paroles

 

j’ai moi-même peur de certaines paroles
je ne passe pas beaucoup de temps au téléphone
c’est moi qui ne veut pas du téléphone

 

il y a déjà trop de bruit dans ma tête
et de musique chez moi
pour rajouter davantage d’ondes de quelques paroles

 

mortes ou vivantes je n’ai pas peur des vivantes
mais des mortes mais on ne sait jamais quand
l’une ou l’autre apparaît

 

mes paroles mortes à moi celles qui marinent dans
le ventre celles que j’entends parfois celles
que je dis aussi

 

ne proviennent pas du travail
mon travail je l’aime
il est aimé par ma personne

 

mes paroles mortes à moi celles qui marinent dans
le ventre celles que j’entends parfois celle
que je dis à mon tour

 

ne proviennent pas du travail
mais du silence

 

 

celui qui s’étale entre nos entrevues
celui de la peur de ne jamais savoir comment
je te retrouverai

 

celui de la vraie vie que le temps
a figé entre nous
pour faire de nos échanges un fossile

Combien de temps nous reste-il ?

En réponse à Paul Wamo.

combien de temps nous reste-il ?

 

9

à mon bureau

lorsque je tourne la tête à gauche je vois

par la fenêtre un gros nuage qui prend l’eau

on dirait un Titanic en train de couler

derrière la colline

il pique du nez en levant son gros cul au ciel

en me criant

« Eh Manu ! T’as vu je pique du nez en levant mon gros cul au ciel ! »

 

si je ne m’étais pas posé la question du temps qu’il me restait

je n’aurai jamais tourné la tête à gauche

et n’aurai jamais vu le Titanic s’ouvrir le flanc contre une colline lyonnaise

 

8

je ne veux pas de la réponse

 

7

j’ai le temps

de me prendre des surprises en pleine face

oui

je m’accorde des kilos d’ignorance

histoire d’avoir du jeu

 

de l’amplitude

 

6

la joue tout contre la vie et l’œil cherchant la brèche par laquelle je verrai l’avenir ?

 

non merci

je ne veux pas de la réponse

 

5

combien de temps nous reste-il ?

tout dépend de celui qui pose la question

 

j’aurai une réponse à ma copine

une autre à ma banquière

une autre à l’administrateur d’une salle de spectacle

et sans doute aucune à mes enfants

 

4

le temps qu’il nous reste

n’est pas le même que

le temps qu’il me reste

 

3

je ne veux pas de la réponse

 

2

je fais face à l’ordinateur

je reçois ton message

tu

m’écris combien de temps nous reste-il ?

 

je ne comprends pas la question

alors je tourne la tête à gauche

contemple un gros nuage qui passe au loin

en ne trouvant comme réponse

qu’un poème écrit sous forme de parties numérotées

que j’enregistrerai en .doc

puis t’enverrai par mail

 

1

si j’avais su le temps qu’il me restait

j’aurais vécu cette dernière heure

sous pression

le cœur battant plus rapidement

qu’un morceau de hard techno

un après-midi de Gay Pride à Berlin

 

si j’avais connu

à l’avance le résultat du match d’hier

je n’aurai jamais regardé le match hier

et mon dieu que les cacahuètes étaient bonnes

 

si je savais aujourd’hui le temps qu’il me reste

qu’il me reste à quoi d’ailleurs

j’aurai déjà mis tous les moyens de mon côté pour travailler mon art quotidiennement, m’épanouir, écrire des livres, enregistrer pleins d’albums, devenir une star et niquer tout ce qui bouge

 

mais la croûte terrestre étant ce qu’elle est

un bout d’entonnoir

trop serré pour accueillir toute la crème à la fois

je me contente de la joie que me procure

la vision d’un nuage au loin

qui dépasse une colline

_ _

18/09/2015

Charles Bukowski – Shakespeare n’a jamais fait ça

J’avais fait beaucoup de lectures, d’abord dans des librairies, puis des universités, puis des boîtes de nuit, ça payait le loyer quand j’en avais vraiment besoin. Le public préférait un certain type de poésie dans ces endroits-là, surtout dans les boîtes de nuit, où j’étais en compétition avec les groupes de rock. Les gens voulaient des poèmes qui les fassent marrer. Le proprio d’une boîte située près de la côte n’arrêtait pas de me téléphoner : « Écoute, tu fais venir chez moi plus de monde que les groupe de rock. Je veux te mettre à l’affiche tous les jeudis, vendredis et samedis soir. » Un détail lui échappait : chaque fois qu’on réécoute une chanson, elle a des chances de s’améliorer, mais chaque fois qu’on réécoute un poème, il ne fait qu’empirer.

Charles Bukowski, Shakespeare n’a jamais fait ça, traduction par Patrice Carrer et Alexandre Thiltges, 13e Note éditions, 2012. Édition originale chez City Lights Book, 1979.

Antoine Émaz « Un si long silence »

« Arrêter ? Écrire un poème, c’est commencer, toujours. Donc on n’arrête pas, simplement on ne commence plus. Et ce n’est pas désert mental, dépression sablonneuse, non. Simplement vivre n’accroche plus les mots. Vivre va, les mots vont, mais ça ne s’articule plus.

Avant, le poème allait de soi, quand il allait. Il ne va plus. On doit faire avec cette donne ; la jouer n’est pas le plus difficile ; l’ennui, c’est le temps, la peau de chagrin. »

*

« Pas plus d’angoisse de la page blanche que de désir qu’elle se noircisse. Je commence même à pouvoir avouer cet état, sans trop de honte, sans vanité non plus. C’est. Nul besoin de compassion. C’est. »

*

« Tu n’as rien à dire, soit. Mais tu dis que tu n’as rien à dire. Donc tu n’es pas vaincu. »

Antoine Émaz, 3 extraits de « Un si long silence » publié dans D’écrire j’arrête, supplément de la revue Triages 2012 aux éditions Tarabuste.